The source

J'ai démarré mon activité d'arts plastiques il y a 40 ans en faisant des diaporamas sonores cosmogoniques à partir de mes rêves et de personnages que je modelais et photographiais alors qu'ils se dissolvaient dans les éléments aquatiques.  Je pense que l'expérience de mort imminente que j'ai vécue à deux reprises, enfant et adulte, suite à des chocs violents, m'a rendue irrémédiablement indifférente aux enjeux qui meuvent tant d'humains sur cette planète, luttes de pouvoir, réussite sociale, conflits des sexes... J'ai le plus souvent l'impression de me mouvoir dans un théâtre de fantoches et que le réel est ailleurs, dans une conscience libérée des corps et mes vagabonds immobiles ont pour moi toujours magnifié cette libération. Je renoue ces derniers temps avec mes débuts, mais avec mes moyens actuels et avec des matériaux accumulés au fil des années. Il y a quelques mois, je me suis prise de passion pour la vidéo en m'initiant au montage et j'ai décidé qu'en 2022 , je mettrai en relation les diverses facettes de mes productions poétiques dans des clips musicaux. J'ai refaçonné certains de mes poèmes en chansons auxquelles Frédéric Giraud, alias Mister Noisy, a donné forme dans son studio de Sarlat en créant des ambiances musicales très différentes d'un morceau à l'autre. Elles constituent les bandes sonores des premières vidéos que j'ai montées au printemps et au début de l'été. Le désir qui sous-tend quatre d'entre elles est de rendre hommage à l'eau : essentielle à la vie, ubiquitaire sur terre comme dans l'atmosphère, elle nous constitue à plus de 70% et devrait rester un bien inaliénable. Polluée ou confisquée, elle est devenu le moyen de rendre esclaves des populations entières. J'ai tourné pas mal d'images en décor réel grâce à diverses sources et ruisseaux des alentours de Sarlat, sur les communes d'Allas, Marquay, Pont Carral et Castelnaud mais peu importe la géographie : je fais en sorte que l'on perde les références de lieu, d'échelle, de temporalité dans mes productions audio-visuelles.
Ce que je recherche, c'est une ouverture à l'instant d'éternité où on est en communion avec la nature, débarrassés des scories, des masques, du superflu du temps «social» et où on se sent vraiment vivant, humble parmi le tout, «docile fibre del l'univers».

L'art symbolique m'a toujours fascinée par la force d'implication intuitive qu’entraîne l'absence de cadre spatio-temporel précis. Les formes créées suscitent des impressions qui ouvrent à la spiritualité. L’œil cherche par le biais de la main à retrouver dans la glaise, entre le simple et le complexe, la source de la présence. Au travers d'une courbe, d'une expression, d'un mouvement, d'un symbole qui l'ont un moment interpellé, le cœur cherche la beauté de l'être humain. Ainsi entre vous et l’œuvre naîtra-t-il, selon votre sensibilité, un dialogue en deçà des mots, une exploration archéologique de l'intime. Certainement différent de celui que j'ai entretenu avec eux mais peu importe : elle ne m'appartient pas. L'important dans la création artistique est avant tout le dialogue entre l’œil et ce qui est donné à contempler : il doit selon moi suffire comme a suffi naguère le dialogue entre l’œil et la main, c'est pourquoi rationaliser, justifier, analyser, interpréter sont pour moi des actes assez vains. Exprimer son ressenti, c'est là l'essentiel.
La représentation de la déesse mère est récurrente dans mon travail de sculpture céramique car sa contemplation m'emplit d'une sérénité que j'imagine comparable à celle d'un bouddhiste faisant ou contemplant un mandala : cette beauté intemporelle de la Vénus callipyge ouvre à l'instant d'éternité où un éternel retour des choses semble possible alors que les atteintes de l'homme à sa terre mère semblent par contre irréversibles… Elle est un temple sacré : la Terre Mère, la Mère nature, sous toutes ses formes. C'est la représentation symbolique du corps féminin avec ses cycles, son énergie intérieure, c'est la mère universelle, source de fertilité, d'abondance et profusion. Opulente et généreuse, elle donne et prend dans un cycle perpétuel. Comme nous donnons et prenons dans notre vie au quotidien. Le don est immatériel, c’est avant tout un espace d’ouverture à l'autre. C’est pour cela que j’ai intitulé mon premier recueil de poèmes et photos : “entrez dans l’ouvert”.
Quant à mes autres vagabonds immobiles d'argile, je me plais à illustrer à travers eux les liens qui nous unissent : les émotions, la joie, la peine, l’amour, que ce soit dans le couple ou dans la famille, la transmission, de la vie ou de valeurs universelles et la nécessité vitale de la différenciation de l’enfant qui se détache du cocon familial pour aller de l’avant, en bref, des thèmes d'art trivial où le sacré peut faire irruption à l'improviste.