Les Guêpes
Nastia is Ukrainian, French is Paul. News divides. Double camera in real time, the film evokes the pivotal moment in the life of this couple where the present and time past collide with the violence of a fatality…
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Serge GAUTHIER-PAVLOVDirector
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Serge GAUTHIER-PAVLOVWriter
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Serge GAUTHIER-PAVLOVProducer
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Katia ZHULAÏKey Cast
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Cyril POTKey Cast
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Liouba GAUTHIER-CUBASKey Cast
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Xenia GUEORKey Cast
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Project Title (Original Language):Les Guêpes
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Project Type:Feature, Short
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Runtime:47 minutes 19 seconds
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Completion Date:January 7, 2015
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Production Budget:15,000 EUR
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Country of Origin:France
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Country of Filming:France
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Language:French, Russian
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Shooting Format:DV Cam
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Aspect Ratio:16:9
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Film Color:Color
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First-time Filmmaker:Yes
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Student Project:No
Serge Gauthier-Pavlov, né en 1959, diplômé de l'Ecole Nationale Louis Lumière avec une formation de chef-opérateur, est un auteur-réalisateur attaché à sa double culture, française et russe dont il est bilingue.
Il est tout d'abord chargé de mission au Service Culturel de l'ambassade de France à Moscou (1981-1982), responsable de la cinémathèque.
De 1985 à 1987, il habite La Rochelle où, après avoir fait l'image d'un portrait de la chorégraphe Régine Chopinot (Maison de la Culture), il réalise ses premiers films avec le CREAV puis des magazines pour la télévision française (France 2 / France 3 / Canal +), et écrit ses premiers scénarios de cours et longs métrages
Après avoir été témoin du putsch de Moscou en 1991, il s'expatrie en 1992 à Saint-Pétersbourg, ville de ses ancêtres russes émigrés en 1920. Il s'y adonne à la fiction en co-écrivant le scénario de long métrage Après la pluie... d'après la catastrophe de Tchernobyl avec la poétesse et dramaturge Albina Choulguina (1937-2009). Le scénario obtiendra l'Aide à l'écriture du CNC en 1994. Les productions BVF puis Parimédia en acquièrent les droits sans toutefois parvenir à en finaliser le montage financier.
Pianiste amateur, il en compose également les musiques, invité par les radios de Bern, Minsk, et la télévision d'Irkoustk avant d'enregistrer pour le label Melodia.
Il enseigne la musique à son fils Anton, jeune espoir du Conservatoire russe de Paris Alexandre Scriabine et lauréat de plusieurs premiers prix aux concours internationaux, puis du Conservatoire Rimski-Korsakov de Saint-Pétersbourg où il l'accompagne (2005).
Il réalise et joue avec lui 6 épisodes de la série fiction Bames Jond (FA mineur, 2004), parodie du célèbre agent secret 007, et les 37 chroniques musicales La Leçon de musique (FA mineur ,2006).
Comédien, élève des Cours Florent (1984-1985), il joue dans le film russe Le cercle d'amour (Koleso lubvi ) de Ernest Yasan (Lenfilm, 1994) et dans quelques courts métrages en France : Bronson le cow-boy de Premyslaw Lisiecki et Gilles Guillaume (GREC, 2002), Mamma mia ! (Arkadush Korol, 1995).
Chef opérateur de courts métrages : The cage (Nicolas Forzy, 2001), Slapstick (Arnaud Bringer et Nicolas Gauthier, 1999), Clair comme le cristal (Philip Malca, 1999), Tout et n’importe quoi (Arkadush Korol, 1996), Mamma mia ! (Arkadush Korol, 1995).
Après avoir été assistant réalisateur de Karel Prokop durant 4 films documentaires pour ARTE France tournés en Asie centrale (ARTE - Boyard production - Constance films, 2003), il rejoint les associations Githec (Pantin) réunie autour du dramaturge Guy Benisty, et Arte Viva (Paris) autour du pianiste et musicologue Pascal Pistone.
Il y réalise un grand nombre de programmes ayant trait au théâtre, à l'actualité culturelle, portraits et débats, ou encore musicaux diffusés sur les chaînes ADSL entre 2004 et 2006, l'année de leur production.
Fin 2006, il crée L'AUTRE Film, sarl de production, d'édition et de distribution, intégrant à son catalogue l'ensemble de ses films répartis en 13 collections. Depuis, certains d'entre eux ont été diffusés sur les chaînes Mezzo, Tna-tv et Cinaps ou édités en DVDs et distribués dans les réseaux pédagogiques, culturels et institutionnels par ADAV, CVS, COLACO, RDM et MJS. Serge Gauthier-Pavlov en a été le principal responsable au sein d'un collège de quatre producteurs-associés, tous issus de sa fidèle équipe originelle.
En 2012 et 2013, il co-écrit les scénarios de longs métrages Le perfectionniste avec l'écrivain albanais Alljet Alicka, et Rêves d'épaves avec l'auteur de série noire Laurence Biberfeld.
En 2014, faisant le choix d'une vie entièrement consacrée au cinéma de fiction, il reprend sa liberté d'auteur et d'acteur. Ainsi, il écrit et réalise le drame psychologique Les guêpes, court métrage de 48 min. dont il assure également l'image et le montage.
Notre époque :
Il est difficile d'immigrer, d'être compris, respecté, de se sentir bien. Il est tout aussi difficile de partager la vie d'un immigré, de se mettre à sa place, d'incarner son avenir. Trop de rêves, trop de rancunes, trop de blessures, trop d'espoirs, trop de désillusions, trop d'attentes, trop de joies, trop d'amour, trop de solitude… Ce que, bien souvent, les amoureux prennent pour de l'amour fou n'est en vérité que la rencontre de deux solitudes antérieures.
Chaque époque, en France, a eu son lot d'immigrés. Celui des filles de l'Est ne date pas d'hier. Mais aujourd'hui, à l'heure où l'Ukraine frappe à la porte de l'Europe, - et avec quelle force !, celle du désespoir ? - j'ai éprouvé le besoin de m'interroger ici sur les chances de réussite du couple franco-ukrainien. Un couple qui aurait mis de son côté toutes ses chances, pétri de bonnes intentions. Enfin, presque. Tant il est vrai que l'enfer est pavé de bonnes intentions.
En parallèle, j'ai souhaité traiter de la difficulté que chacun éprouve au moment d'une séparation, - qu'il l'ait souhaitée, provoquée, préparée ou qu'il la subisse. Trop de violences, trop de non dits, trop de secrets, trop de déceptions, trop de rancunes, trop de libérations, trop d'envies, trop d'amour, trop de solitude… Là aussi, bien souvent, on se retrouve avec deux solitudes antérieures à ne savoir qu'en faire.
Je me suis intéressé ici au ballet fatal du couple, celui qui fait pendant à sa parade nuptiale, celui où l'on est maladroit, où l'on pleure, crie, menace, où l'on retourne la violence contre soi, contre l'autre, les autres, les objets. Mais d'un autre côté, ne veut-on pas y croire encore un peu ? Et si on en sourit, peut-être est-ce parce qu'on se prend soi-même en pitié ? parce que sinon c'est un morceau de soi qui meurt, là ? Et si on aimait tout de soi, même l'inavouable ?
Et puis, il est difficile d'être une adolescente dans une famille recomposée. Trop de place, trop d'incompréhension, trop d'ignorance, trop de chagrin, trop d'insouciance, trop de passé, trop de mots, trop d'émotion, trop d'amour, trop de solitude… Là encore. Mais la solitude d'un être en devenir a souvent l'apparence du désespoir, et le désespoir celle de la mort.
En regard, j'ai placé une enfant autiste Aspergher, enfant "différente" dans sa structure cérébrale, dans son rapport aux autres et au monde en général. Même dotée, comme ici, du langage et d'une belle intelligence, c'est une enfant souvent incomprise car trop peu sociable, trop peu altruiste, trop peu empathique et si déroutante. Il m'a plu de nous faire partager ses centres d'intérêt et son sens poétique, tout en lui faisant traverser notre monde "neuro-typique" à sa manière, en m'interrogeant si elle pouvait passer entre les gouttes...
J'ai choisi de porter un regard depuis ces enfants, ces êtres si fragiles et pourtant si malmenés dans nos guerres d'adultes du seul fait qu'ils incarnent un ancien sens de notre vie, celui que nous mettons à mort. A gâcher ainsi ce que l'on a réussi le mieux à deux, ne tente-t'on pas d'infliger à l'autre, par ricochet, la responsabilité d'une catastrophe annoncée ? Et, l'enfant, à s'enfermer, à se mettre en danger, ne nous appelle-t-il pas au secours ?
La langue :
D'emblée on découvre que si tous parlent français, il n'en est pas de même du russe.
Nastia, Ukrainienne immigrée de fraîche date, a appris le français qu'elle parle aisément maintenant. Dans ces années 2000, elle a tout quitté dans un élan de liberté, son enfance, sa famille, son pays, jusque sa langue pour la vie que Paul, de dix ans son aîné, lui offre. Belle et jeune, elle lui a tout donné, ses illusions, sa candeur, ses meilleures années à l'image de leur enfant commun. La petite Liouba, parfaitement bilingue, passe du russe au français - de la langue de Maman à celle de Papa -, sans même s'en rendre compte.
Par contre, issue de son premier mariage à lui, il y a Rachel, l'adolescente, qui ne vit pas avec eux en dehors de ces vacances. Elle semble ne pas entendre sa belle-mère lui parler et ne parle, elle, que le français.
Tout comme lui, le mari, français de souche, Paul n'a pas fait d'effort pour apprendre le russe, pour connaître le pays de sa femme, pour la comprendre. Ukrainienne ou Russe, que lui importe, il a accueilli une fille de l'Est, intelligente et saine, dont il a aidé l'intégration en France, dont il incarne la stabilité, dont il assure la pérennité familiale, pour laquelle il est comme un père, pour laquelle il est tout.
Du moins le pensait-il jusqu'à ce jour.
L'aveu :
Dans un élan libératoire, Nastia incarne le mouvement, la quête d'un but ultime que désormais rien ne réfrène. Son mari - et peut être la France, avec - ne sont qu'une étape. Fini le mensonge de l'épouse modèle, soumise, effacée, reconnaissante. Elle est remontée à bloc comme un ressort. Quand on a tant perdu, on ne s'arrête pas en chemin, on ne se contente pas d'être soumise. Elle a un temps d'avance, elle a un amant, tout est déjà clair dans sa tête, elle a décidé de vivre avec lui. Reste à l'avouer, à se séparer, à se partager les enfants. Dans son calcul, les vacances - les dernières -, doivent servir à cela.
Cet arrêt forcé, inopiné, lui en offre une opportunité. Mais malgré elle. Comme d'une boîte de Pandore, en sortent les maux de l'humanité : la grande Famine, la stalinisation et jusqu'à une hypothétique troisième guerre mondiale où notre Ukrainienne, qui se croyait libérée des Russes, redevient aussitôt panrusse quand il s'agirait de défendre l'Empire !
La violence :
Le problème, c'est les guêpes. Elles perturbent l'ordre des choses, elles exaspèrent nos pique-niqueurs improvisés, elles les chassent, malheureux qu'ils sont, vers la cabane d'ostréiculteur, elles les surprennent là où ils s'y attendent le moins. Surtout suggérées par les gestes d'agacement des personnages, elles n'apparaissent qu'en quelques rares gros plans d'inserts. On les voit alors résolues, stratèges comme les soldats d'une armée secrète.
La tension dramatique qu'elles provoquent monte palier par palier avant de déborder, chacun possédant un rythme d'images et de sons unique, un débit de textes spécifique, un point de vue présent ou distant qui lui est propre. Ainsi, juste après que Nastia se soit délivrée de son aveu, après ses élucubrations paroxystiques, elle apparaît joyeuse, même joueuse, puis posée comme un ballon dégonflé. Alors que Paul a tout pris sur lui et va bientôt exploser.
Les marches de cet escalier infernal nous font passer d'une scène de ménage entre adultes contrariés par leur voiture dans le fossé - il y en a visiblement déjà eu une qui les y a mis -, à une violence humaine déchainée contre les éléments, jusqu'à la violence des éléments contre l'être sacrifié, - Rachel.
L'agneau pascal
Elle a un prénom biblique (brebis en hébreu), elle a des racines juives, elle est en pensionnat catholique, Rachel est déracinée, elle aussi. Malgré elle, par contre. Elle ne vit pas avec sa mère, ni avec son père, elle n'a sa place nulle part. Ni dans le chaos, ni dans le bonheur. Ni dans le passé, ni dans le présent.
Discrète mais soulignée, sa présence mutique prégnante est presque obsessionnelle.
Adolescente de 13 ans, elle est celle qui sert littéralement de paratonnerre au destin. Car elle est tout, le refus, la fuite, la souffrance, l'envie de s'envoler, le courage, le pivot, l'énormité du choix impossible, la première ligne. Mais c'est aussi celle dont on verra le moins les traits, simple silhouette boudeuse sous ses cheveux et derrière ses ongles qu'elle ronge.
Elle est au milieu des autres comme surdimensionnée, car ils sont dans leur petite vie et elle dans le vertige suprême, comme si elle portait à elle seule l'immense dimension tragique de leur petite histoire.
Points de vues :
Les mouvements de caméra sont aériens, fluides à l'extérieur - comme émanant du regard d'un insecte invisible - mais découpés en faux raccords à l'intérieur de la cabane à l'image du chaos qui s'y installe.
Dans l'esprit du spectateur, je cherchais à distiller le doute qu'une force extérieure manipule ces êtres si beaux, si propres sur eux, - qui auraient pourtant tout pour s'entendre, comme si le diable s'invitait à la table de gens heureux ? - quand s'est imposée l'idée que le film soit entrecoupé des prises de vues du portable de Rachel. L'adolescente croyant ainsi détenir la preuve de ces vacances pourries qu'on lui fait subir en filmant en secret l'ambiance familiale.
La partition sonore :
L'atmosphère sonore, je l'ai imaginée elle aussi traitée par paliers, partant de l'agréable bourdonnement d'une nature généreuse pour aller jusqu'au cri déchirant. Entre les deux, des paroles, des éructations de colère, puis des pleurs, des chuchotis, des mots doux, et le silence comme le calme avant la tempête, et avec elle, ses fracas et ses cris leur écho qui ricoche sur d'autres cris, d'autres coups et d'autres fracas plus terribles encore.
Quelques plages musicales ponctuent chaque acte du drame. Si le thème orchestrale est attribué à la famille, la partie chantée (en russe) l'est à Nastia, et les autres à Liouba (piano solo).
Par le choix de la post-synchronisation, qui oblige à partir du silence pour créer tout le son, j'ai cherché à traiter la bande son comme la partition d'un orchestre contemporain. Et ainsi placer sur des niveaux d'écoute différents la voie intérieure et les voix perçues, les musiques et les silences, les dialogues et les bruits afin d'isoler chacun au milieu des autres et de la nature. Avec le vœux de l'on ressorte de ce drame comme abasourdi d'un pareil univers sonore et musical.
Le rythme :
Enfin, Les Guêpes est un court métrage de presque cinquante minutes, tant la dimension contemplative m'habite quand je le vivais en moi, comme s'il imposait au temps une pulsation lente dans lequel tout s'agite en vain. Faut-il y voir la marche inéluctable que les Français appellent la fatalité, et que les Russes reconnaissent être soud'ba, le destin ?